Est-il plus noble et plus utile entreprise que celle d’instruire l’être humain… ?

By 23 octobre 2024 Coup de chapeau

Est-il plus noble et plus utile entreprise que celle d’instruire l’être humain… ?

En formulant une question pour ne pas succomber à la tentation d’une affirmation péremptoire, l’image-souvenir de mes trois « Maîtres » me vient spontanément.

  • Le premier à baliser un parcours d’enfant apprenant intransigeant, fut Hervé LE NAOUR, mon instituteur intègre, en classe de 8ème et de 7ème[1] au collège public de Château-Gontier[2].
  • Le second à façonner plus tard un post-adolescent révolté par la malfaisance sociétale, adulte indocile en devenir, sera André CAPLET, probe Père Supérieur, directeur de l’institution privée Immaculée Conception de Laval[3].
  • Le dernier à inspirer une voie professionnelle liminaire exigeante, aura été Maurice LÉVY, vertueux intervenant franco-canadien en commercialisation et conduite d’entreprise à l’E.S.S.C.A[4].

Tous les trois étaient d’exceptionnels, d’extra-ordinaires « instructeurs » au sens le plus noble et le plus complet du terme, autrement dit : d’authentiques, incontestables et donc respectables pédagogues[5], capables, avec une scrupuleuse neutralité, de transmettre profitablement leurs connaissances acquises complétées de leurs expériences, tout en éveillant objectivement chez leurs élèves, des principes durables de citoyenneté, par des comportements humanistes exemplaires de fond et de forme !

L’un était militant marxiste, l’autre était archiprêtre, le dernier libéral capitaliste… mais jamais, au grand jamais, « ni la faucille, ni le marteau, ni le goupillon, ni la corbeille[6]»[7] ne se sont directement, indirectement, subrepticement ou subliminalement introduits et/ou invités dans leurs enseignements.

Leur intégrité inoxydable causait leur infinie respectabilité ; d’où mon acquise distinction (particulière, inébranlable, très personnelle et simplifiante je le concède) entre l’instruction et l’éducation :

  • L’instruction (issu du latin instruere : « assembler dans, disposer, munir, outiller, former l’esprit par un enseignement… ») : la transmission objective des connaissances étant selon moi, du domaine de l’État[8] et des Maîtres !
  • L’éducation (issu du latin educatio du verbe ducere : « conduire, guider, en particulier dans le domaine des idéologies… ») : la transmission subjective de la culture parentale, des dogmes et de leurs valeurs, étant à mes yeux, du domaine des Prêcheurs familiaux, politiques, laïques et/ou religieux !

Dans l’absolu, l’assemblage des deux missions irait de soi et aurait du sens, mais leur dévoiement m’insupporte ; d’autant plus lorsque l’objectif n’est plus de transmettre, mais de conditionner !

Quelle plus vile entreprise que celle de « mettre en ligne »[9] l’être humain !

Quelle plus noble et plus utile entreprise que celle de l’instruire !

De mon point de vue en effet…

Instruire : C’est avant toute chose, être et demeurer une référence dans son domaine de compétence. Outre l’actualisation continue des connaissances pour viser l’excellence et surprendre par sa capacité d’investigation, sa contemporanéité, son imagination et sa créativité, c’est aussi s’imposer mentalement la loyauté, l’impartialité, l’exemplarité, le rapport aux faits et non aux opinions, à la réalité et non à la virtualité doctrinaire…

Instruire : C’est également avoir le courage de décliner son savoir, rien que son savoir, mais tout son savoir, en prenant en conscience le risque de s’opposer, quelles qu’en soient les sources, à toutes les formes d’obscurantisme, de propagandisme et/ou de révisionnisme infectieux, réducteurs de raison, porteurs d’irrationalité, générateurs in fine d’asservissement mental et de tensions sociales…

Instruire : C’est ensuite permettre à chaque Femme et à chaque Homme en apprentissage sociétal, d’acquérir impartialement et équitablement les « matériaux[10] » pour se construire une riche et plurielle base de connaissance intelligente, ainsi que les mécanismes intellectuels objectifs, leur permettant de se déterminer par eux-mêmes, de construire librement leur réflexion et leur pensée profonde, de développer individuellement cet indispensable et si précieux libre arbitre qui les aide à grandir en s’affranchissant lucidement des contrefacteurs et autres charlatans, pour pouvoir agir conséquemment, avec lucidité, rigueur, justesse et altruisme…

Instruire : C’est aussi professer la saine remise en cause des enseignements et des dogmes, pour en analyser les fondements et en étudier, sans filtre, la pertinence et la cohérence des pratiques, la véracité et/ou l’authenticité des préceptes, l’humanité et l’utilité dialectique…

Instruire : C’est encore former à décoder (sans simplifier) la complexité des données et des systèmes, leurs fonctions directes et/ou indirectes, leurs interactions, leurs conjonctions, leurs cohérences ou leurs incohérences, leurs interférences, leur perniciosité ou leur innocuité sociale et sociétale…

Instruire : C’est enfin ancrer des systèmes d’alerte, d’alarme, permettant de débusquer les perversions intellectuelles aliénatrices des libertés fondamentales…

En synthèse, à tort ou à raison, je soutiens, car telle est mon intime conviction, qu’INSTRUIRE : c’est la responsabilité suprême de l’Homme[11] à travers les siècles et devant l’éternité ; c’est sa mission terrestre par excellence qui confère à celles et ceux qui en ont la vocation ainsi que la délicate et lourde charge, une infinie respectabilité… pour peu qu’on en reconnaisse les mérites à leur juste grandeur… qu’on leur donne les meilleurs conditions et moyens d’enseigner… et qu’on les protège par-dessus tout, de toute servitude doctrinale, idéologique et/ou religieuse !

« Le principal devoir de l’homme envers lui-même est de s’instruire, le principal devoir de l’homme envers les autres est de les instruire. »   

Émile LITTRÉ[12]


[1] CM1 & CM2 aujourd’hui.

[2] Sous-préfecture du département de la Mayenne (53200)

[3] Préfecture du département de la Mayenne (53000)

[4] École Supérieure des Sciences Commerciales d’Angers.

[5] Personne qui a le sens de l’enseignement.

[6] Dans l’ancienne organisation de la Bourse, la corbeille désignait l’accoudoir circulaire dressé autour du centre de la principale salle de cotation, autour duquel se réunissaient les agents de change pour procéder à la cotation des actions (Source Alternatives Économiques).

[7] Formule inspiré de l’expression « La Sainte Alliance du sabre et du goupillon » attribuée à Georges Clemenceau (Le sabre représentant l’armée ; ici, la faucille, le marteau représentant les symboles du communisme, le goupillon l’Église et la corbeille la finance). « Le Sabre et le Goupillon » est également le titre d’une chanson de Jean Ferrat (1965).

[8] Créé en 1828, le ministère de l’Instruction publique prendra fâcheusement le nom de ministère de l’Éducation nationale le 3 juin 1932.

[9] Au sens totalitaire du terme.

[10] Données linguistiques, littéraires, scientifiques, mathématiques, géographiques, historiques, civiques…

[11] Au sens anthropologique du terme.

[12] Émile Littré, né le 1ᵉʳ février 1801 à Paris où il est mort le 2 juin 1881, est un médecin, lexicographe, philosophe et homme politique français, surtout connu pour son Dictionnaire de la langue française, communément appelé « le Littré ». (Source Wikipédia)

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