C’est possible… a qui veut s’en donner la peine !

By 30 mai 2022 Coopératives

C’est possible… à qui veut s’en donner la peine !

Comment redynamiser « la relation adhérent avec sa coopérative » ?

Telle est l’une des questions pertinentes majeures que se posent depuis de trop nombreuses années, de plus en plus de membres élus et opérationnels des gouvernances du modèle Coopératif, qui constatent la distension, le délitement jusqu’à la rupture parfois, du lien entre l’Associé Coopérateur et sa seconde entreprise[1] : sa Coopérative !

Par facilité, fatalisme ou peut-être pour s’interdire de chercher des réponses par peur d’en trouver d’embarrassantes, la raison la plus souvent invoquée pour expliquer cette croissante et funeste évolution du rapport Coopérateur/ Coopérative par ceux-là mêmes qui la relèvent, émanerait à leur avis, des dérives de l’évolution sociétale contemporaine : un libéralisme économique exacerbé, une soi-disant montée de l’individualisme, un prétendu désintérêt des jeunes générations pour le collectif, ou bien encore ce rejet systématique bien connu des pratiques des anciens…

Autant de justifications absolument contredites par l’activisme associatif prospérant chez les jeunes qui allient passion et engagement, la soif inégalée à ce jour de justice sociale et de démocratie participative, l’expansion horizontale de multiples manifestations de solidarité intercatégorielle, intersectorielle, intergénérationnelle, la propagation planétaire vertigineuse du mutualisme et de ses valeurs à tous les niveaux et dans tous les domaines, l’extension universelle de l’économie collaborative…

Aussi, face à ces multiples fausses bonnes réponses à la problématique identifiée qui serait potentiellement liée à des facteurs exogènes, convient-il sérieusement de se poser les vraies bonnes questions sur des origines plutôt endogènes !

Postulat :

  1. Les Coopératives sont nées des besoins suivants…
  2. Le partage équitable d’une valeur crée en commun par des Associés Coopérateurs, à raison de leur accession à la compétitivité et à une performance économique et de gestion substantielle, résultant en amont, de la réduction des coûts de production par massification des achats et mutualisation des moyens et en aval, par un accès solidaire unique crédible à des débouchés valorisants.
  3. Ces entreprises singulières portent historiquement des valeurs humanistes fédératrices…
  4. L’égalité/l’équité – La démocratie – La responsabilité – La transparence – La solidarité – La proximité – La fidélité – L’honnêteté…

Pour que vive et prospère durablement tout modèle fondé sur l’humain, qu’il soit associatif, coopératif, mutualiste… voire capitaliste, ses acteurs doivent en partager non seulement la vision, les missions, les finalités, les valeurs, les règles du jeu, mais avant tout se l’approprier, s’y reconnaître et surtout, y être reconnus !

En outre, sa gouvernance élue doit être légitime, compétente, à la hauteur de l’idéal et il est indispensable que son ambition demeure durablement en phase avec les aspirations de ses mandants !

(Ndr. A cet égard, la classe politique française gouvernante ou non, donne l’exemple à ne pas suivre, elle qui au fil du temps s’est discréditée aux yeux des citoyens par des postures, des comportements « hors-sol » et la récurrence d’engagements non tenus, l’ensemble ayant abouti à un abstentionnisme record aux consultations liées à la vie démocratique.)

Chez les marins, l’usure d’un cordage aboutissant à sa rupture est la conséquence du « ragage », c’est à dire l’exposition des « liens » à des frottements répétés. C’est la raison pour laquelle il faut limiter au maximum l’abrasion afin de conserver lesdits « liens » en bonne santé le plus longtemps possible !

Il en va de même dans toutes les organisations quelles qu’en soient la forme !

Au sein de trop nombreuses Coopératives[2] encore, soit par laisser-aller, vieillissement, hétérodoxie, déviationnisme, démesure, capitulation, cécité, mépris, soit encore par énarchie galopante, la relation avec l’Associé Coopérateur s’est au fil du temps banalisée, technocratisée, « gestionarisée »… et aujourd’hui pour parfaire le tout, elle s’est dématérialisée, numérisée.

Délaissé par sa structure, à tort ou à raison, celui-ci s’est peu à peu senti mystifié, trahi, ébranlé dans ses croyances aux bienfaits du mutualisme jusqu’à abjurer le culte, à force de désillusions, de contrariétés, de rancœurs ressenties (constitutives du « ragage » : frictions réelles ou figurées répétés), liées à une absence d’écoute, à des sentiments d’impuissance, d’exploitation, d’abandon, d’anonymat, d’inexistence, de submersion par un système tourné vers lui-même, en surpoids, déconnecté, déshumanisé, de plus en plus illisible, plus asservissant qu’émancipant, insuffisamment compétitif, générateur de coûts plus que de valeur partageable…

C’est ainsi que pas après pas, déçu, désenchanté, dépassionné, devenu défiant sur des valeurs affichées non pratiquées dans son entreprise… l’Associé Coopérateur fidèle est d’abord devenu modestement « partageur » (premier symptôme), puis carrément infidèle… pour finir tout à fait inintéressé, à la fois par l’offre, par son discours accompagnateur, ainsi que par les poncifs systématiquement distillés au cours des « grand-messes » Coopératives institutionnelles.

« A force de se sentir abandonné, on abandonne à notre tour. » [3]

Comment donc rétablir du lien et redynamiser cette relation naturelle primordiale Associé Coopérateur / Coopérative, fondement du modèle ?

Avant toute chose en posant un diagnostic objectif après recherche et identifications des causes possibles de « ragage »…

  • L’Associé Coopérateur est-il positionné au centre de la structure ?
  • La Coopérative est-elle immédiatement identifiable comme « la maison commune » de ses Associés Coopérateurs ?
  • La Coopérative communique-t-elle dans les établissement d’enseignement général et professionnel ?
  • La Coopérative s’investit-elle dans les manifestations locales ?
  • Au sein de la Coopérative existe-t-il un(e) responsable « Vie Coopérative » ? Avec quelle mission, quel budget, quelle feuille de route et quels livrables ?
  • Quelle promotion la Coopérative fait-elle de ses jeunes Associés Coopérateurs ?
  • Ces jeunes Associés Coopérateurs…
    • Sont-ils identifiés comme une chance pour leur Coopérative ?
    • Bénéficient-t-ils tous d’un parcours « d’intégration » et/ou d’un cursus Coopératif commun ?
    • Sont-ils invités régulièrement à suivre des formations… économiques – sociologiques – de gestion – agronomiques – technologiques – géopolitiques – à la transition numérique ?
    • Ont-ils tous profités d’une visite commentée de chaque sites de leur Coopérative ?
    • Ont-t-ils connaissance des missions et des tâches accomplies au quotidien par les différents acteurs de la structure opérationnelle ?
    • Ont-ils été formés à la lecture et à la compréhension fine du bilan et du compte de résultat de leur coopérative ?
    • Ont-ils été invités participer en observateur à une séance du Conseil d’Administration et/ou à s’y inscrire comme Administrateur « stagiaires » ?
    • Ont-ils été invités à participer avec leurs pairs à des voyages d’études et/ou d’agrément intégrateurs et fédérateurs ?
    • Ont-ils bénéficié d’évènements Coopératifs sur leurs exploitations ?
    • Sont-ils mis à l’honneur à raison de leurs connaissances, de leurs compétences, de leur compétitivité, de leurs performances métier et/ou de gestion ?
    • Sont-ils associés dans des comités consultatifs à une gestion participative de leur Coopérative ?
    • Sont-ils sollicités pour participer à des réseaux de compétence ou à intégrer des groupes affinitaires ?
    • Sont-ils mobilisés sur les évolutions sociétales et l’émergence des nouvelles attentes et des nouveaux besoins des citoyens ?
    • Ont-ils droit à une reconnaissance particulière et/ou à des avantages spécifiques à raison de leur investissement dans leur Coopérative ?
  • Le Conseil d’Administration de la Coopérative est-il crédible et représentatif du corps social des Associés Coopérateurs ? (âge – types et tailles d’exploitations – formation – territoires – productions – performances techniques et financières…).
  • Quel est le taux de renouvellement des Administrateurs ?
  • Les élus sont-ils des Associés Coopérateurs exemplaires ?
    • Sont-ils formés à la communication de proximité ?
    • Jouent-ils leur rôle « d’ascenseur informatif » sur le terrain ? Où ? Quand ? Comment ? A quel rythme ? Dans quelles circonstances et conditions ? Avec quel report ?
  • Les Associés Coopérateurs sont-ils régulièrement informés
    • Des missions dévolues au Conseil d’Administration ?
    • De la feuille de route et des travaux réalisés par le Conseil d’Administration (s’il en réalise[4]…) ?
    • Du temps passé par le Administrateurs au bénéfice de leur collectivité ?
    • Des débats et des décisions prise par le Conseil d’Administration avec leurs attendus et leurs livrables ?
    • Des projets en cours ?
    • Des plans d’investissement ?
    • De la performance technico-économique, organisationnelle et sociale comparée de leur Coopérative ?
    • Des engagements ainsi que des relations inter-coopératives locales, régionales, nationales ?
  • Les Associés Coopérateurs sont-ils invités à visiter leur Coopérative et à en faire la promotion par des manifestations de type « Viens visiter ma Coop… » ?
  • La Coopérative dispose-telle d’un plan de communication spécifique multimédias à destination de ses Associés Coopérateurs ?
  • La Coopérative propose-t-elle à ses Associés Coopérateurs de revendiquer et de signaler leur appartenance Coopérative sur leurs exploitations (panneaux signalétiques dédiés) ?
  • La Coopérative se comporte-t-elle vis-à-vis de ses Associés Coopérateurs comme face à des « clients » ou à des copropriétaires ?
  • La Coopérative a-t-elle créé, mis en place et alimente-t-elle un baromètre permanent de compétitivité concurrentielle sur ses offres produits/services ?
  • Dans les argumentaires de son offre produits/services, la Coopérative s’impose-t-elle d’y inscrire le(s) bénéfice(s) pour l’Associé Coopérateur et d’en rapporter factuellement la preuve ?
  • Annuellement pour chacun de ses Associés Coopérateurs, la Coopérative démontre-t-elle ses progrès en terme de performance métier et ses gains d’excédent brut d’exploitation ?
  • La Coopérative est-elle en mesure de prouver, à exploitations comparables, que ses Associés Coopérateurs développent un E.B.E[5] supérieur à celui d’un producteur non-coopérateur ?
  • Les Associés Coopérateurs sont-ils régulièrement consultés sur les projets de développement et/ou d’alliance de leur Coopérative et invités à participer localement à ses réflexions stratégiques ?
  • Quel temps disponible le Directeur Général et/ou les membres du Comité de Direction opérationnel de la Coopérative consacrent-t-ils à des rencontres physiques individuelles sur le terrain avec les Associés Coopérateurs ?
  • La parole est-elle donnée régulièrement aux Associés Coopérateurs pour l’expression libre de leurs attentes, de leurs besoins, de leurs insatisfactions ?
  • La Coopérative a-t-elle normé le processus de recherche de la satisfaction permanente de ses Associés Coopérateurs (fond – forme – délais – compensations…) ?
  • La Coopérative reconnait-t-elle visiblement la fidélité de ses Associés Coopérateurs ?
  • La Coopérative sanctionne-t-elle de façon exemplaire les hors-jeux coopératifs des Associés Coopérateurs dissidents, tricheurs et/ou malveillants jusqu’à l’exclusion ?
  • La Coopérative met-elle à l’honneur dans les médias locaux et/ou régionaux ses Associés Coopérateurs à chaque fois qu’ils sont remarquables dans leurs métiers et/ou par leurs performances professionnelles ?
  • La Coopérative s’impose-t-elle de travailler tant sur le fond qu’en la forme, l’originalité et l’attractivité de ses assemblées générales ?
    • A-t-elle mis en place un processus d’invitation favorisant la participation ?
    • Y-a-t-elle « compressé » la partie statutaire ?
    • S’est-elle posée la question de la lisibilité de ses projections ?
    • Evoque-t-elle les vrais sujets et traite-t-elle les vraies questions qui préoccupent et/ou fâchent ses Associés Coopérateurs ?
  • Y favorise-t-elle les échanges Élus / Associés Coopérateurs ?
  • … ?

Diagnostic honnêtement posé à l’aide du questionnaire non exhaustif ci-dessus, la réponse à la question initiale « Comment redynamiser la relation adhérent avec sa coopérative ? » résidera en la volonté de la Gouvernance Coopérative de construire, lancer et assurer sur le temps long, avec obligation d’efficience, le suivi d’un plan d’actions objectivé, accompagné d’une feuille de route rigoureuse, établi sur des interventions correctives hiérarchisées dirigées vers les multiples sources endogènes identifiées de désintégration jusqu’à rupture, de « l’affectio sociétatis » durable juste indispensable entre l’Associé Coopérateur et sa seconde entreprise : sa Coopérative !

« Les miracles ne se produisent que pour ceux qui y croient. »

Bernard Berenson (Historien d’art anglais – 1865-1959)


[1] Il en est en effet « copropriétaire ». Ses titres de propriété : ses parts sociales, figurent à l’actif de son bilan.

[2] Agricoles notamment.

[3] Nouredine Meftah – Chant-Sport-Danse-Écriture… France – Lyon – 1970. 

[4] Encore beaucoup trop de Conseils d’Administration ne sont en fait que des chambres d’enregistrement !

[5] E.B.E = Excédent brut d’Exploitation.

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